En ce début décembre, je fête le premier anniversaire de ce Fil d’Ariane mensuel. Je vous remercie sincèrement pour tous vos abonnements, commentaires, messages adorables, partages, recommandations, qui me font chaud au cœur et m’incitent à continuer.
On parle beaucoup actuellement d’une nécessaire sobriété, décroissance, de changement impératif de modes de vie, … pour sauvegarder la vie des humains sur terre dans de bonnes conditions. Difficile de passer à côté de toutes les informations sérieuses et inquiétantes sur le dérèglement climatique, le manque d’eau, la chute de la biodiversité, … Pas forcément simple ceci-dit de se mettre en action. Il faut d’abord en avoir envie, savoir quoi faire, pouvoir le faire… Sans compter que, bien sûr, tout ne dépend pas, loin de là, de chaque individu. Des décisions structurelles, juridiques, politiques… sont indispensables… et tardent à venir.
Parmi diverses interventions, j’ai trouvé très intéressante la conversation de Gregory Pouy avec Timothée Parrique (un économiste “vedette” de la décroissance) dans le podcast Vlan.
Quelques définitions
La question des mots d’ailleurs est complexe. Faut-il parler de modération, de sobriété, de frugalité, de décroissance, … ?
J’ai eu tout d’abord envie de reprendre certaines définitions du dictionnaire (le mien date de 1989, je ne suis pas sûre que les définitions changent en quelques décennies, mais leur sens commun dans la société, peut-être davantage… ?)
Frugalité : qualité de ce qui est frugal = qui consiste en aliments simples, peu recherchés, peu abondants ; par extension, vie frugale, syn : ascétique, austère, simple.
Modération : vertu, comportementd’une personne qui est éloignée de tout excès ; Action de modérer, de diminuer quelque chose.
Simplicité : honnêteté naturelle, sincérité sans détour ; comportement naturel et spontané, absence de prétention ; caractère d’une personne qui a des goûts simples, qui dédaigne le luxe, les raffinements.
Sobriété : comportement de celui qui boit et mange avec modération.
Ces mots suscitent-ils du désir ? Peut-on décider de changer son mode de vie tant qu’on n’a pas de contrainte forte à le faire ?
Etat des lieux
Certaines personnes se sont mises au vélo, ont arrêté de prendre l’avion, mangent moins de viande, font attention à leur consommation de plastique, … Où en êtes-vous aujourd’hui ? Réfléchissez-vous à modifier votre mode de vie ? Ou avez-vous commencé à le faire ?
Les freins sont nombreux. Pourquoi changer son mode de vie si on n’y est pas contraint.e ? Et puis, vous avez peut-être des contraintes financières, familiales, professionnelles, … Je n’ai aucune idée de votre mode de vie. Si vous menez une vie plutôt aisée, peut-être avez-vous du mal à y renoncer. L’excellent site Bonpote avait ainsi publié un article sur la difficulté des “riches” à bifurquer.
Mes étapes personnelles
Je ne suis pas un modèle mais j’ai eu envie de partager mon propre chemin, en cours. Comme dans tout ce que je publie ici, il ne s’agit en aucune façon de vous donner la moindre injonction, de faire du prosélytisme pour quoi que ce soit. Il s’agit de partager des réflexions et peut-être vous faire prendre du recul sur certains éléments de vos habitudes, votre comportement, votre environnement…
Je suis sur un chemin entamé depuis de longues années. Ce qui peut vous déculpabiliser si vous trouvez cela difficile/lent de changer !
Petit récapitulatif reconstitué de mémoire :
1988/1992 - Je suis diplômée d’HEC, je rentre chez Air France par hasard, je loue mon premier appartement, 20m2 à Montparnasse, je savoure mon indépendance financière, je vais beaucoup au cinéma, j’achète quelques vêtements “de travail”, je découvre (quasiment) le voyage en avion puisque je bosse chez Air France !
1993/1994 - Je rencontre Monsieur, j’achète un appartement à Montmartre et y fais de gros travaux, je contracte des emprunts et je dois faire de ce fait beaucoup plus attention à mon budget.
1994/2000 - j’ai un gros budget culture car je vais voir beaucoup de spectacles de danse, des concerts de chanson, des expositions. On voyage chaque année, notamment aux Etats-Unis (avec échange d’appartement), on vit confortablement mais sans excès il me semble.
2000 - je change de job et entre dans un cabinet de conseil où je suis nettement mieux payée. On découvre le Japon avec passion et on va faire de nombreux voyages jusqu’à 2020.
2002/2003 - je commence à avoir envie de me détacher de la pression de la société de consommation et de l’accumulation de biens, je commence à donner (ou parfois vendre) beaucoup de livres, vêtements, …
2005 - je lis L’Art de la Simplicité de Dominique Loreau qui résonne pas mal avec mon évolution. Je fais un bilan de compétences car je ne me reconnais pas dans le fonctionnement de l’entreprise où je travaille. J’ai une révélation : je veux devenir diététicienne !
2005/2007 - j’entame mes études de diététique avec une double conséquence : les congés sans solde (pour les stages) réduisent mes revenus et, plongée dans les études, je n’ai de toute façon pas le temps de consommer ou sortir. Je suis diplômée.
2008/2010 - je suis passée à mi-temps dans mon job de consultante pour démarrer mon activité qui croît tout doucement. J’ai lancé mon blog, je continue à me former.
2010-2016 - Mon activité se développe progressivement. Il est clair que je gagne nettement moins d’argent que comme consultante mais je suis très heureuse. Ce métier qui me remplit de joie modère le besoin d’autres satisfactions par la consommation. Je vais voir beaucoup moins de spectacles par exemple.
2011 - Je diminue nettement ma consommation de viande car je conscientise que j’en consommais surtout par habitude.
2012- je lis avec intérêt Vers la sobriété heureuse de Pierre Rabhi (je me suis vraiment ensuite éloignée de cette personne qui avait des positions sur certains sujets qui ne me convenaient pas du tout).
2014 - je suis de plus en plus “flexitarienne” (même si je n’aime pas mettre les gens dans des cases !), je ne cuisine plus de viande ou poisson mais j’en mange ailleurs quand Monsieur en cuisine ou que j’en ai parfois envie au restaurant.
2015 - je déménage et quitte mon appartement montmartrois car je sens que je ne pourrais pas faire face aux travaux innombrables qui seront à mener dans l’immeuble. Je suis toujours attirée par davantage de simplicité et en profite pour me débarrasser de très nombreux objets, livres, meubles, télé (braderie, vide-grenier, ressourcerie, …) … J’aménage le nouvel appartement de façon plutôt sobre, en limitant le nombre de meubles, en mutualisant les usages.
Espace pour dormir, lire, boire du thé, méditer, se reposer…
J’avais choisi sur mon blog l’expression simplicité joyeuse car je trouve le mot simplicité plus positif et en phase avec ma démarche que sobriété (et cela m’éloigne des mots de Pierre Rabhi),
2020 - Cela fait un certain temps que je fais moins d’achats de vêtements mais je le conscientise mieux et encore davantage quand je me mets à faire mon bilan Mode en imitant plusieurs “influenceuses”. Suite au Covid, je démarre des consultations Zoom,
2022/2023 - Après une excellente année 2021 en termes d’activité, je me retrouve avec de très grosses charges sociales qui m’amènent à remettre davantage de vigilance dans mes dépenses. Je vais un peu moins au restaurant, je modère mes achats de livres, j’ai renoncé à un abonnement piscine très coûteux et retourne dans les piscines municipales.
Je suis bien consciente de ma situation privilégiée concernant les dépenses incompressibles :
j’ai pu gagner suffisamment d’argent à un moment donné pour acheter un appartement,
je n’ai pas d’enfant à charge,
je vis dans une grande ville et n’ai donc pas besoin d’une voiture pour mes déplacements de base,
Par ailleurs, j’ai 57 ans et ai donc pu profiter durant des années de voyager, acheter des livres ou des vêtements qui sont encore utilisables, …
J’ai choisi un métier par passion, il a clairement du sens pour moi et il va par ailleurs plutôt dans la direction souhaitée…
Où j’en suis aujourd’hui ?
Je suis vraiment loin d’être parfaite (et rappel, la perfection n’existe pas !). Je suis entrée dans une démarche de simplicité au départ non pour des raisons écologiques qui sont arrivées en cours de route mais parce que j’aspire à une vie simple, centrée sur l’essentiel, débarrassée du superflu. Car je crois que cela libère l’esprit. La définition d’une vie simple est bien sûr propre à chaque personne.
J’ai sans doute encore trop de livres ou de vêtements même si j’en supprime régulièrement, ne serait-ce que par manque de place ; je consomme peu de vêtements et je fais des achats majoritairement réfléchis :
je n’achète quasiment plus d’objets pour la maison sauf nécessité d’usage,
je consomme très peu de produits de beauté.
je m’efforce d’acheter moins de livres et je retourne dans les bibliothèques.
je ne suis pas dans la frugalité alimentaire car la nourriture est un domaine qui compte beaucoup pour moi. J’essaie de privilégier des démarches “vertueuses” dans les achats ou le choix des restaurants, autant que possible. Je suis très attentive à limiter le gaspillage en achetant le nécessaire, en recyclant, en congelant. Ceci-dit, j’apprécie la simplicité, par exemple en matière de pâtisseries et de plus en plus dans les plats de restaurant où une trop grande sophistication ne m’attire pas.
Simplicité des fruits et légumes de saison
je ne sais pas comment je vais me comporter à moyen terme en matière de voyages. Je n’ai pas pris l’avion en 2023. J’ai voyagé en France en train. La question des voyages, de l’avion, ce sont des choix à faire à deux.
j’ai surtout un long chemin à faire en matière de sobriété numérique !!! Je ne suis sans doute pas la pire car j’attends par exemple que mon portable soit HS pour le renouveler, je consomme peu de videos (hors Zoom !), aucun jeu en ligne. Mais je passe quand même beaucoup de temps sur mon ordinateur et mon téléphone mobile.
Est-ce que cela vous fait réfléchir ? Avez-vous envie d’aller plus loin ou peut-être avez-vous déjà commencé. Ou peut-être même êtes-vous plus avancée que moi car vous cultivez votre potager !
Comme je le disais plus haut, vous pouvez avoir des freins psychologiques, matériels ou financiers, éthiques, politiques, familiaux, professionnels, personnels…
Et puis, pourquoi changer alors que les changements structurels tardent à s’amplifier ?
Vous pouvez, ceci-dit, si cela vous dit :
prendre CONSCIENCE de votre mode de vie et de ses différentes dimensions,
regarder avec lucidité vos CONTRAINTES,
étudier les domaines où vous auriez la capacité et l’envie de CHANGER :
réfléchir davantage à vos achats de vêtements ou d’objets,
modifier votre alimentation vers davantage de végétal,
changer de mode de transport,
voire vous projeter dans un travail qui ait davantage de sens pour vous.
Il n’est pas forcément simple de moins consommer. On peut vite vous culpabiliser car vous fragilisez le tissu économique (cf la polémique autour des publicités de l’ADEME sur les “dévendeurs”). Il me semble que l’argument souvent évoqué des emplois ne tient pas la route. Il faudrait penser une période de transition importante où on imagine, on forme, on met en place les métiers nécessaires à la transition écologique et ses prolongements… Et il ne s’agit bien sûr pas de culpabiliser les personnes qui consomment des produits de qualité médiocre ou utilisent leur voiture quotidiennement car elles ne peuvent vraiment pas faire autrement. D’autant que l’empreinte carbone des personnes des classes les plus modestes est nettement moins élevée que celle des classes les plus aisées.
Quand on a la possibilité, on peut faire des choix “vertueux” (en termes de fabrication, éthique, origine…). Ceci-dit, je ne crois pas trop à l’unique “consommation verte”. Non seulement il y a beaucoup de “greenwashing” des marques traditionnelles mais je préfère rester à l’écoute de mes besoins. Pourquoi acheter une nouvelle parure de lit si j’en ai déjà deux que j’utilise en alternance ? Ai-je besoin de nouvelles assiettes, même d’un artisane vertueuse, alors j’ai le nécessaire dans mes placards ? … Globalement, je préfère depuis longtemps consommer/offrir des moments.
Enfin, il me semble que c’est désormais au niveau intermédiaire, local, municipal (ni individuel ni national) que les actions peuvent être le plus efficaces, qu’il s’agisse des infrastructures, de la restauration scolaire, de la gestion des déchets, … Qu’en pesnez-vous ? Le constatez-vous dans votre environnement ?
Pépites
Lectures
Deux livres passionnants, chacun dans leur genre.
Mangeuses de Lauren Malka (dont j’ai parlé sur Instagram si vous m’y suivez) : la diversité des domaines explorés autour des femmes et de la nourriture et la délicatesse du traitement et des hypothèses de compréhension par exemple sur l’anorexie, rendent ce livre vraiment nouveau et précieux dans le vaste paysage des livres tournant autour la question alimentaire.
Entre nuage et eau de Tōzan : j’ai adoré ce livre qui raconte le quotidien d’un jeune Français parti au Japon et devenu moine zen dans un temple isolé. La méditation est le coeur de l’activité quotidienne mais toute activité, dont le cuisine, est propice à avancer vers “la Voie”. L’auteur n’est en rien dans le théorie mais juste dans le récit de son quotidien et de ses questionnements intimes. La fréquentation répétée du Japon, l’intérêt concret de Monsieur pour le bouddhisme depuis des années, ma propre pratique (très épisodique) de la méditation, mes réflexions personnelles sur l’ego, m’ont fait particulièrement apprécié ce livre.
Podcasts
François Simon ne se montre toujours pas* mais il a participé récemment à plusieurs podcasts (si vous suivez ses videos sur Instagram, vous connaissez sa voix) :
Single Jungle de Louisa Amara, où il évoque notamment comment se comporter au restaurant
Habitudes de l’Etiquette, où il parle de son raport aux vêtements,
L’art de l’attention de Fanny Auger, où il évoque plus globalement sa façon d’être et l’attention qu’il met aux repas, aux gens, …
D’ailleurs, à propos d’attention, il évoque plusieurs fois**, l’idée de passer quelques secondes de plus devant son assiette avant de commencer à manger. C’est un sujet que j’évoque souvent avec mes patientes et un pratique que nous avons régulièrement avec Monsieur : comme au Japon, dire itadakimasu avant de commencer pour exprimer un sentiment de gratitude pour le repas et ce qui y a contribué.
*pour ma part, je l’ai rencontré une fois lors d’un petit déjeuner dont il était l’invité et où les photos étaient interdites !
**Quelle drôle d’idée d’écouter les trois à très peu de temps d’intervalle !
Merci c’est très inspirant et je suis tout simplement fan de ta pièce de méditation 😍
Très intéressant ton chemin de vie tant pro que perso. Nous avons beaucoup de points communs (et quelques grandes différences ! 😉) et merci pour les recos de livres. J'en ai trouvé un des deux (sur le moine zen) en livre audio que je vais m'empresser d'acquérir. Parfait dans les transports et en faisant un puzzle !