Je me souviens d’une jeune femme d’environ 25-26 ans qui vient me consulter et, notamment, me dit sa grande fatigue. Je réponds gentiment : “ce n’est pas normal d’être aussi fatiguée !” Mais tout dépend de ce qu’on veut dire par “normal”. D’un strict point de vue physiologique, il n’est pas “normal” qu’une femme de 26 ans sans enfant en bas âge se sente épuisée. En revanche, si on prend en compte la catégorie que représentent les femmes françaises aujourd’hui, la grande fatigue est sans doute devenue la norme. Normal au sens d’usuel mais pas normal au sens de ce que cela devrait être. Je souhaite faire passe l’idée que ce n’est pas une fatalité !
Cet exemple est loin d’être rare. Beaucoup des femmes qui me consultent sont fatiguées. Pour des raisons multiples et variées, qui se cumulent souvent. Fatigue qui a diverses conséquences alimentaires : manger pour se rebooster, pour tenir, envie de nourritures réconfortantes, moindre résistance au stress pouvant entraîner du manger émotionnel, flemme de cuisiner, etc.
Je précise que je ne suis pas représentative en termes de fatigue : je n’ai pas eu d’enfant, je fais un travail qui me plait où je définis mon organisation, je peux aller travailler à pied, je dors bien et suffisamment, Monsieur contribue souvent à la préparation des repas, etc. Mais j’écoute et questionne avec attention toutes les femmes, de profils très variés, qui me consultent et je me documente aussi.
J’essaie donc de les aider à comprendre précisément pourquoi elles se sentent fatiguées, voire épuisées. Pour agir sur les bons leviers. Quels sont-ils ?
La charge des femmes
Quand on parle de la fatigue des femmes, on pense à la notion désormais bien connue de charge mentale et puis aussi de charge tout court. Les femmes qui ont une famille ont bien souvent une “double journée” : celle de travail et celle de s’occuper des enfants, des repas, de la maison, des courses, du ménage, des vacances, …. Avec tout ce que cela représente comme réflexions, décisions, tâches, activités, stress. Et tout ce que cela prend sur le temps qui devrait être dévolu au repos et à la détente. S’y ajoute un sentiment d’urgence, pour arriver à tout caser dans une journée avec les horaires imposés de l’école, du travail, … Une lassitude générale de se sentir bloquée dans une vie qui va trop vite. Cela peut générer dans la durée une grande fatigue à la fois physique et mentale. C’est pour cela que je mentionnais cette “norme” de la fatigue.
Je ne vais pas aborder en détail la vaste question du travail : non seulement, aujourd’hui un grand nombre de salariés sont pressurés par une charge de travail excessive en vue d’une quête insatiable de rentabilité mais les femmes se sentent souvent obligées d’en faire encore davantage pour prouver leurs compétences.
Beaucoup de femmes, quand elles ont toutes cette charge sur le dos, aspirent à trouver un moment pour elles, souvent le soir quand tout le reste est “bouclé”, parfois au détriment du sommeil. Ce qui peut entraîner une spirale de fatigue.
Le sommeil
Quand une personne me confie qu’elle est fatiguée, je commence par évoquer la question du sommeil. Dort-elle suffisamment ? A-t-elle un sommeil de bonne qualité ? Il y a des situations diverses. La personne qui travaille beaucoup et ne peut se résoudre à aller se coucher sans avoir profité de sa soirée mais doit se lever tôt pour raison familiale et/ou professionnelle. La personne célibataire qui sort beaucoup avec des ami.e.s ou a des activités répétées le soir (sport, danse, cours de céramique, chorale, vie associative…) et rentre très tard. La personne qui rate le moment d’aller se coucher pour finir un épisode de série et a ensuite du mal à s’endormir. La personne qui a eu un sommeil perturbé par un bébé et n’arrive pas à sortir d’un état de vigilance même un ou deux ans après. La personne qui fait peut-être de l’apnée du sommeil, et a un sommeil long mais pas récupérateur. Dans tous les cas, j’explique l’importance du sommeil pour la récupération physique et mentale.
Un manque de sommeil a un impact sur la faim, sur l’envie de manger, sur la capacité à prendre du recul sur son état émotionnel, sur l’énergie pour entreprendre des projets, sur la résistance aux virus, … Sur la concentration aussi, avec parfois un cercle vicieux : j’ai du mal à me concentrer donc je travaille plus lentement ou je procrastine, donc je reste plus tard au boulot, donc je me couche tard et j’entretiens la fatigue…
Le manque de fer et l’anémie
Je me souviens d’une avocate venue me consulter, totalement épuisée. Certes, elle travaillait beaucoup mais cela ne suffisait pas à expliquer son état. En la questionnant, je découvre qu’elle est sujette régulièrement à l’anémie, qu’elle le sait, y compris cette fois, mais qu’elle ne s’en est pas occupée et n’a pas fait le rapprochement avec son état. Ce n’est pas un cas isolé. Je vois régulièrement des personnes qui négligent cette cause de grande fatigue voire d’épuisement.
C’est quoi l’anémie ? C’est une baisse anormale du taux d’hémoglobine dans le sang. Non traitée, outre la fatigue, elle peut causer essoufflement, maux de tête, … La carence en fer est la cause la plus fréquente (mais pas la seule) de l’anémie. On peut manquer de fer parce qu’on a un apport insuffisant via l’alimentation mais aussi parce que le corps a du mal à l’absorber (des processus inflammatoires notamment peuvent agir sur la capacité d’absorption), ou parce qu’on a des pertes importantes de sang, au moment des règles, parfois avec une endométriose. Certaines femmes ont bien repéré ça et il peut suffire pour certaines de veiller à manger plus de viande au moment de leurs règles. L’anémie peut parfois aussi être due à une carence en vitamine B12 ou en vitamine B9. La carence en vitamine B12, fréquente quand on a une alimentation pauvre en viande (même sans être totalement végétale) doit vraiment être surveillée. Ceci-dit, des personnes végétariennes n’ont aucun problème d’anémie mais c’est une situation qui nécessite de la vigilance.
L’anémie légère ou la carence en fer ne présentent pas tout de suite des symptômes gênants mais il est important de la surveiller avant qu’elle ne se dégrade. Si vous êtes sujette à l’anémie ou si vous avez modifié votre alimentation de façon significative, il est souhaitable de faire une analyse de sang adaptée avec votre médecin.
Chaque cas est particulier mais il me semble que le process peut être :
savoir où vous êtes via une analyse de sang (le dosage du taux de ferritine permet d’évaluer les réserves de fer ; la NFS permet de doser l’hémoglobine et permet, en cas d’anémie, de vérifier ensuite l’efficacité de la complémentation),
vous complémenter si besoin, pendant au moins 3 mois. Outre le Tardyferon (le grand classique mais qui n’est pas toujours supporté au niveau digestif), on m’a parlé de solutions plus douces (notamment le bisglycinate de fer NHCO ou Solgar, ou le complément en fer Kaya),
comprendre la cause de l’anémie, et voir si des évolutions alimentaires sont souhaitables/possibles (plus d’apport de fer, meilleure absorption),
suivre l’évolution et rester vigilante.
Si l’anémie est forte et la complémentation orale inefficace ou trop difficile, on peut envisager une perfusion de fer à l’hôpital mais cela semble visiblement difficile à obtenir.
Il est vraiment important de surveiller cette question pour ne pas laisser les choses déraper, tant cela peut entraîner de la fatigue. Une patiente souffrant d’anémie me confiait récemment avoir du mal à faire une simple balade de quelques centaines de mètres tant elle se sentait faible.
Le dérèglement de la thyroïde
Une grande fatigue (accompagnée en général d’une prise de poids rapide) peut être un indicateur d’une hypo-thyroïdie. Il m’arrive de poser la question et il me semble que c’est mieux connu aujourd’hui : je constate que les personnes ont souvent déjà fait des analyses sur ce sujet, parfois par proximité avec des proches souffrant de cette pathologie.
Parfois, la personne a un traitement régulateur mais cela nécessite un réglage fin et progressif pendant lequel la fatigue peut demeurer. Il est essentiel d’avoir un médecin à l’écoute pour affiner le traitement.
La santé des femmes
On sait que les problèmes de santé des femmes sont moins pris au sérieux, font moins systématiquement l’objet de recherches pour trouver des traitements. Pendant longtemps, on a extrapolé à partir des recherches sur les hommes. Les pathologies spécifiques des femmes sont moins bien connues et donc moins bien diagnostiquées. Un médecin pouvait facilement dire “c’est normal d’avoir mal pendant les règles” ou envisager rapidement un problème psychologique/de stress sans approfondir le diagnostic. Exemple typique : l’endométriose. Innombrables sont les femmes qui racontent leur errance médicale et un nombre d’années incroyable pour obtenir un diagnostic effectif. Retard de diagnostic et douleurs engendrant stress et grande fatigue. La journaliste Paola Moritz raconte cette semaine au micro de Lauren Bastide dans le podcast Folie Douce combien elle a souffert, et souffre encore d’une endométriose très handicapante qui la faisait se sentir prisonnière de son corps. Elle évoque aussi d’ailleurs son burn-out (cf la question du travail plus haut).
La période autour des règles, plus ou moins longue selon les femmes, ou les quelques jours de syndrome prémenstruel peuvent créer douleurs et fatigue (outre des envies alimentaires spécifiques). Cela commence à être reconnu. Sans prendre forcément un congé, on peut essayer ces jours-là de prendre soin de soi, alléger son programme et ne pas chercher à être une superwoman.
L’alimentation
Evidemment, vous vous attendez à ce que j’aborde l’alimentation ! Parfois, des femmes me consultent en évoquant une grande fatigue et l’idée qu’elles doivent transformer leur alimentation. Or, l’alimentation n’est pas source d’épuisement en tant que telle et il vaut mieux regarder les causes évoquées ci-dessus. Mais oui, elle peut contribuer à la fatigue de différentes façons :
une alimentation très pauvre en nutriments, industrielle, ultra-transformée, peu équilibrée, peut contribuer à un manque de vitalité général,
une alimentation riche, très grasse, trop copieuse demande un important effort de digestion, générant une fatigue du reste du corps (exemple : avoir envie de somnoler après un gros repas),
des repas de ce type le soir peuvent avoir un impact sur la qualité du sommeil,
le système digestif de chaque personne est spécifique et a plus ou moins de facilité ou d’efforts à faire pour digérer un repas selon sa composition : pour certaines personnes, ce sera un plat de pâtes qui posera problème, pour d’autres, ce qui est gras, pour d’autres l’association de viande et de féculents, … Il y a le cas particulier d’intolérances non repérées, comme la maladie coeliaque (intolérance au gluten par exemple), facteur de fatigue,
la consommation répétée d’aliments sucrés au fil de la journée provoquant des variations brusques de glycémie peut générer de la fatigue et entraîner un cercle vicieux : j’ai un coup de barre, je re-mange un truc sucré.
Bref, si vous vous sentez fatiguée, il est essentiel :
de vous observer : êtes-vous toujours fatiguée ou cela varie-t-il selon le moment de la journée, de la semaine, du mois ?
d’essayer de comprendre ce qui cloche en regardant votre rythme de vie largement. Et en faisant la différence entre des causes physiologiques et des causes psychologiques. Tout n’est pas dans la tête ! Quoi qu’en pensent certains médecins, surtout quand il s’agit des femmes... J’étais atterrée quand une amie, qui a des problèmes récurrents de carence en fer occasionnant une grande fatigue, m’a raconté que son médecin voulait lui prescrire des anti-dépresseurs plutôt qu’une perfusion de fer…
d’agir sur les causes. Il n’y a pas de fatalité à être fatiguée mais ce n’est pas pour autant simple de régler le problème. Outre le fait de faire une analyse de sang pour détecter un éventuel dysfonctionnement, une carence, il est important d’identifier les marges de manoeuvre dont vous disposez dans le monde complexe qui nous entoure (il y en a toujours, même étroites) : aller vous coucher un peu plus tôt en renonçant à certaines activités, couper votre téléphone, diminuer le nombre de sorties, partir un peu plus tôt du travail, déléguer certaines tâches, identifier ce qui vous fait du bien et diminue votre stress, assouplir votre perfectionnisme, …
Et tout cela en vaut la peine, pour retrouver l’énergie qui vous permettra de vivre une vie en phase avec vos aspirations…
Et sinon, je vous propose…
MINCIR AU RESTO N°2
Je vous propose une nouvelle date pour Mincir au Resto. Le premier repas, un déjeuner, a été fort sympathique et riche en échanges. Le n°2 sera un dîner le 12 novembre. Le lien pour vous inscrire est ici et vous pouvez me contacter si vous avez des questions. Si vous êtes intéressée, ne tardez pas car il y a très peu de places.
Pour mémoire, Mincir au Resto, c’est un triple intérêt :
faire un savoureux repas dans un de mes bonnes adresses ;
rencontrer quelques sympathiques personnes :
et surtout, spécificité de ces événements, pouvoir poser vos questions, échanger, évoquer ce qui vous préoccupe, concernant votre comportement alimentaire au restaurant et ailleurs, ou l’alimentation en général.
Le RENDEZ-VOUS FLASH
Je constate que vous vous posez beaucoup de questions sur l’alimentation, que vous avez parfois des problématiques à résoudre qui ne nécessitent pas forcément une consultation mais qui vous préoccupent. Pour y répondre, je vous propose désormais la Consultation Flash : un rendez-vous au téléphone de 25 mn pour 25 euros avec une réponse précise et personnalisée à votre demande. Vous pouvez réserver ici et on fixe un créneau.
Et puis, bien sûr, je peux vous recevoir en consultation à Paris ou en visio, je peux intervenir sur diverses thématiques dans votre entreprise ou organisation… toutes les informations sur mon site
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J'ai adoré cet article ! Ici au Brésil il y a tout un courant de médecine qui se base sur les analyses de sang pour ensuite passer une ordonnance avec des dosages 100% personnalisés. Il y a même un système de bio résonnance pour vérifier si le traitement global sera bien supporté par l'organisme du patient, ou s'il faut moduler.
La dernière fois, cela m'a permis de détecter une forte carence en vitamine D (j'habite dans une des régions les plus chaudes et ensoleillée, c'est dire), en vitamine B12, en fer et en progestérone. J'ai aussi une intolérance au gluten SANS maladie cœliaque et une sensibilité au sucre. Depuis que je prends mon traitement religieusement, j'ai retrouvé du peps. Pour l'anecdote, j'ai 2 enfants en bas âge donc il était facile de mettre toute ma fatigue sur le dos de la maternité..... Et non.
Merci beaucoup Ariane, pour cette newsletter complète et pleine de pistes intéressantes, comme toujours :) J'entends aussi beaucoup en ce moment que la péri-ménopause / ménopause peuvent être à l'origine de changements susceptibles d'entraîner de la fatigue. J'ignore si c'est vrai.