Aujourd’hui, je m’attaque à un vaste sujet qui fait souvent polémique, le SUCRE ! Peut-être entretenez-vous une relation ambivalente avec cet ingrédient, tantôt adoré, tantôt rejeté… Peut-être êtes-vous perdue face à tant d’injonctions culpabilisantes qui ébranlent vos habitudes ? Evidemment, je ne vais faire qu’effleurer le thème et ne pas forcément vous abreuver de certitudes tant c’est complexe et toujours sujet à de multiples recherches.
Parcours sucré personnel
Quand j’étais enfant, on mangeait plutôt sainement dans ma famille. Ma mère cuisinait toujours des produits frais. On mangeait des fruits en dessert, un carré de chocolat après le dîner, du pain et du chocolat au goûter, des croissants le dimanche, un gâteau du pâtissier pour les anniversaires et fêtes diverses, des crêpes à la Chandeleur, ... Ma mère faisait de la pâtisserie très occasionnellement, un cake, un quatre-quarts, … C’était ritualisé, habituel, sans questionnement. On mangeait peu de produits industriels… sauf les bonbons ! Il y avait des paquets de bonbons dans lesquels on piochait, mon frère et moi, et mon père aussi, assez largement. Il y avait aussi les bonbons de la “Petite boutique” située à côté de l’école, où on avait accès, avec 1 franc, à tout ce qu’il y a de plus chimique dans la confiserie : boules de coco, “hosties” à la poudre acide”, “frites”, colliers de “perles” en sucre, bonbons gélifiés aux formes diverses, réglisses, … Je m’en délectais !
Vers l’adolescence, j’ai arrêté définitivement, je ne sais plus vraiment pourquoi, de mettre du sucre dans les yaourts, thé, café… je me sentais sans doute capable d’ apprécier leur goût réel. Plus tard, j’ai parfois bu un peu de sodas, j’ai mangé davantage de pâtisseries, de desserts au restaurant quand je suis venue à Paris. Et puis, je suis devenue progressivement plus exigeante, que ce soit en pâtisseries, biscuits, chocolat…
Délicieux biscuit “Smiley” de la boulangerie Eveil, Paris 17e
Aujourd’hui, je mange de temps en temps du bon chocolat tout en m’en passant sans problème, quelquefois des viennoiseries, je fais des tartes ou gâteaux maison, parfois du granola, j’achète rarement des pâtisseries car la plupart ne me passionnent pas. Je mange occasionnellement de la confiture alors que cela m’a été assez étranger pendant longtemps. Quand je fais une salade de fruits ou une compote, je ne la sucre pas car le sucre de fruits mûrs suffit largement. J’aime les desserts de restaurant mais, étant souvent déçue, j’ai de plus en plus tendance à privilégier le salé, sauf quelques plaisantes exceptions. Je n’ai jamais cessé de manger des produits sucrés. Même en devenant diététicienne ! C’est peut-être pour cela que je ne souhaite pas diaboliser le sucre.
Je ne suis pas forcément représentative. Beaucoup de personnes consomment de grandes quantités de sucre, consciemment ou non. Elles achètent des plats industriels avec présence de sucre, mangent des desserts très sucrés, consomment beaucoup de produits sucrés (biscuits, desserts, pâte à tartiner…), boivent des sodas à la place de l’eau, se réconfortent par la nourriture… D’autres se privent pendant des années jusqu’à oublier si elles aiment ça ou pas. Je ne juge pas, chaque personne fait ce qu’elle peut/veut.
Mais je constate que le sucre angoisse de nombreuses personnes. Je vois chaque jour combien nombreuses sont les patientes en difficulté avec le sucré, qu'elles aiment sa douceur, son réconfort, qu'elles culpabilisent d'en manger face aux discours diabolisants, qu'elles se sentent incapables de s'arrêter quand elles commencent. Les injonctions, les conseils plus ou moins solides scientifiquement, les incitations à arrêter sont légion. Cela peut évidemment faire du bien physiquement et mentalement de manger moins de sucre. Mais la question de la relation à l’alimentation est complexe et celle de la relation au sucre aussi. Alors les yaka, on oublie !
Pourquoi mange-t-on du sucre ?
Le sucre, c’est quoi ?
Quand on parle de sucre, il y a deux façons d’entendre le mot. Soit on parle des sucres au sens large, et cela inclue à la fois ce qu’on appelle les « sucres lents », les « sucres complexes » qu’on trouve principalement dans les féculents, et leur versant contraire, les « sucres rapides » ou « simples ». Je vais m’attacher ici aux seconds qui sont associés au goût sucré et aux produits sucrés et n’évoquerai donc pas les autres. Je ne parlerai pas non plus des fruits qui contiennent du fructose (quoi que je découvre régulièrement des personnes qui culpabilisent de manger des fruits, même en quantité raisonnable…)
L’histoire est longue et rude – très bref résumé
Les humains ont probablement toujours eu une appétence pour le goût sucré. Au début, il y avait les fruits, le miel. Et puis la culture de la canne à sucre s’est peu à peu développée. L’esclavage en a été le moteur. Le sucre a d’abord été un produit de luxe réservé à une certaine classe et s’est banalisé peu à peu à partir du 19e siècle. Ici, la betterave a pris une part importante. Puis l’industrie s’en est emparé jusqu’à nous inonder non seulement de produits sucrés toujours plus nombreux et sophistiqués mais aussi à mettre du sucre partout. Les habitudes alimentaires ont peu à peu changé sous l’influence de cette industrie et aujourd’hui, le sucre est omniprésent.
Pourquoi mange-t-on (éventuellement) du sucre en excès ?
La famille, l’éducation, le goût
Tous les enfants ou presque aiment la douceur du sucré. Le fœtus a goûté le liquide amniotique sucré, puis le bébé consomme le lait, maternel ou non, sucré aussi. Il développe donc très naturellement une appétence pour le sucré qui lui procure une sensation de bien-être, cela a été étudié. Cela n’a rien d’anormal et les enfants vont spontanément aimer la douceur du sucré. L’important est que les parents développent la curiosité pour les autres saveurs (salé, acide, amer) et la diversité des goûts afin d’élargir peu à peu le répertoire alimentaire. Si cela n’a pas lieu, pour toutes sortes de raisons, l’enfant peut grandir, devenir adulte en maintenant une préférence, voire une appétence exclusive pour les goûts doux ou neutres.
Le besoin émotionnel de réconfort/de compensation
Le besoin de se réconforter avec des nourritures sucrées et/ou grasses est répandu et ne pose pas de problème s’il est accepté et occasionnel. Ce besoin n’est cependant pas universel. Il a pu se constituer dans l’enfance : si on console un enfant triste par une bonbon ou un gâteau plutôt que de l’aider à exprimer ses émotions, le lien entre les émotions difficiles et l’alimentation peut se développer. Ou c’est parfois une grand-mère qui couvre les enfants de douceurs sucrées quand on va la voir. Ou l’enfant qui découvre que les aliments sucrés l’apaisent alors qu’il est confronté à une situation difficile. Au fil du temps, si on a trop souvent besoin de compenser des émotions qu’on ne veut/sait pas accueillir par une consommation d’aliments sucrés, cela peut représenter un apport importent qui fait culpabiliser et éventuellement se lancer dans des régimes qui ne vont qu’aggraver les choses.
Si on a une vie monotone où l’on ressent peu de satisfaction ou une vie trop contrainte ou une vie soumise à de nombreuses causes de stress, on peut utiliser la nourriture sucrée comme un plaisir facile, accessible, compensant les autres désagréments.
Le craquage suite aux restrictions, aux régimes
Certaines personnes ont une relation plutôt « normale » au sucre mais, pour diverses raisons, elles ont pris quelques kilos (ou imaginent être trop grosses) et se lancent dans des régimes, dans une alimentation restrictive qui cible en général en premier les produits sucrés. Elles tiennent un moment par la volonté, perdent du poids puis lâchent. Et là, parfois, elles se jettent sur les biscuits, le chocolat, les gâteaux comme s’ils allaient disparaître à jamais, ce qu’elles ne faisaient pas avant, à être dans le « tout ou rien », le « foutu pour foutu », … Je me souviens d’une patiente qui s’était lancée dans le régime Dukan alors qu’elle n’avait que 4-5 kilos à perdre ; elle les a perdus mais vite repris et elle qui n’était pas passionnée par le sucré s’était mise à dévorer des paquets de biscuits sans pouvoir s’arrêter.
Si vous avez une alimentation pauvre en féculents, notamment au déjeuner, il est possible que vous ressentiez un besoin urgent de manger un aliment sucré car vous vous sentez en manque d’énergie.
La quête de plaisir alimentaire
Il est normal de chercher du plaisir dans votre alimentation. Si celle-ci est triste, monotone, peu réjouissante, il est fréquent de chercher une compensation, un plaisir garanti notamment dans un dessert sucré, du chocolat, …
La fatigue
Si vous êtes fatiguée, que vous manquez d’énergie pour accomplir tout ce que vous devez accomplir, il est possible que vous ayez recours à des produits sucrés pour vous donner un coup de fouet, vous stimuler, vous redonner du courage (cf newsletter les femmes et la fatigue LIEN)
Les variations hormonales
Beaucoup de femmes se rendent compte qu’elles ont davantage envie d’aliments sucrés dans la période qui précèdent leurs règles, en lien avec le syndrome prémenstruel. Parfois, elles ne le conscientisent que peu à peu quand elles « normalisent » le reste de leur alimentation avec moins de sucre au quotidien.
La profusion de l’offre
Comme je le mentionnais plus haut, l’industrie agro-alimentaire s’est beaucoup développée au 20e siècle et crée une profusion de produits sucrés incroyable : que ce soit les laitages et crèmes desserts, les biscuits et pâtisseries, les produits céréaliers pour le petit déjeuner, les confiseries, sa créativité n’a pas de limites. Souvent, elle cible les enfants qui vont réclamer des produits à leurs parents. Cela ne concerne pas que les enfants, on me parle sans cesse de l’abondance de produits sucrés à grignoter dans les bureaux, dans les buffets, les formations, …
Le sucre dans l’alimentation industrielle
L’agro-alimentaire a non seulement développé une abondance de produits sucrés mais elle met du sucre dans quasiment tous les produits. Une étude récente de l’association Foodwatch a révélé que, parmi 400 produits alimentaires industriels de 12 catégories, 85% contenaient du sucre ! Dont de nombreux produits salés. Et ce sont les produits les moins chers qui contiennent le plus de sucre.
Pourquoi diabolise-t-on le sucre ?
Des raisons valables de s’inquiéter de l’excès
Il y a vraiment trop de sucre dans l’alimentation, sans nécessité légitime. Et trop de boissons sucrées. On subit la pression de l’industrie agro-alimentaire qui veut maximiser ses profits au détriment d’une alimentation saine largement répandue.
Une alimentation trop sucrée pose des problèmes de santé (risques accrus de diabète, de « foie gras », de maladies cardio-vasculaires, rôle probable dans la survenue de certains cancers). La consommation d’aliments sucrés toute la journée crée des variations de glycémie qui fatiguent et et dérèglent l’organisme.
Et d’autres qui le sont moins…
Il y a des modes dans les régimes alimentaires. On a longtemps diabolisé le gras (à l’initiative du lobby du sucre !) et il y a un retour de bâton.
On a tendance à simplifier les problèmes, à tout voir en noir ou blanc, à chercher un coupable, alors que l’alimentation est complexe.
On en profite pour nous vendre tout un tas de méthodes, livres, coachings « j’arrête le sucre »
Y a-t-il une addiction au sucre ?
Si vous tapez « addiction au sucre » dans un moteur de recherche, vous allez avoir des centaines de pages. Cette conviction vient entre autres d’une expérience dont le résultat avait été largement relayé, « les rats préfèrent le sucre à la cocaïne ». En fait, peu de gens sont allés voir les détails de l’expérience, ce qui leur aurait permis de relativiser.
Selon moi, il n’y a pas d’addiction au sucre, au sens d’une addiction à une drogue. Souvent, je le montre à mes patientes qui se croient « addicts » en leur faisant par exemple prendre conscience qu’il y a des moments où elles n’en ressentent pas le besoin, par exemple quand elles sont détendues, reposées, en vacances. Par ailleurs, de nombreuses personnes sont capables de consommer des produits sucrés avec modération, peu de gens y arrivent avec la cocaïne ! La relation au sucre ne semble pas relever des caractéristiques précises de l’addiction telle qu’elle est définie dans le référentiel et mes collègues de l’association Miam ont d’ailleurs fait un examen détaillé de l’éventuelle correspondance à ces critères.
Le professeur Serge Ahmed indique que « l’addiction au sucre se définit d’un point de vue comportemental ». Un peu comme l’addiction au jeu ou aux réseaux sociaux. Ceci-dit, on n’est pas au bout des recherches concernant l’effet du sucre sur le cerveau. Le sucre a une action sur le circuit de la récompense, différente de celle des drogues. Contrairement aux drogues, on n’a pas besoin d’une dose progressivement de plus en plus importante pour avoir le même effet. Il est par ailleurs possible que la prise de poids ou un microbiote déséquilibré jouent un rôle dans le fonctionnement du circuit de la récompense, mais pas nécessairement du fait du sucre.
Est-ce qu’on n’aurait pas tendance à parler d’addiction au moindre comportement excessif ?
Le docteur en neurosciences Albert Moukheiber s’élève, lui, contre cette tendance à tout ramener au cerveau, à la dopamine par exemple. Alors que c’est l’environnement (cf le poids de l’industrie agro-alimentaire, évoqué plus haut) qui crée des envies. Pour Albert Moukheiber dans Usbek & Rica, « C’est une inversion stupéfiante de la responsabilité ! Si l’on suit cette logique, le consommateur, ou son cerveau, est seul responsable. Pas les annonces publicitaires, ni nos sociétés mercantiles, ni nos modes de vie ».
Je suis d’accord pour changer le monde ! Mais en attendant, le problème, c’est qu’on vit dans cet environnement. Alors qu’est-ce qu’on fait ?
Que faire si vous pensez manger trop de sucre ?
Je ne pense pas qu’arrêter totalement de manger sucré d’un coup soit le plus efficace dans la durée. Ceci-dit, vous pouvez tenter cela dans une démarche style Dry January : c’est intéressant si cela vous aide à prendre du recul mais pas si vous vous jetez sur le sucre à la fin de l’expérience. Il me semble donc que cela dépend de votre profil : il vaut mieux être relativement tranquille avec la nourriture car sinon, cela peut au contraire créer frustration et craquage.
Je trouve le retour sur soi et l’expérimentation préférables aux injonctions et aux solutions extrêmes !
Je vous propose de travailler selon les 4 C dont je parle depuis longtemps :
– Constater : observer votre façon de manger, et la place qu’occupe le sucre, éventuellement en tenant un carnet alimentaire : sucre brut dans le café, le thé…, chocolat, desserts, gâteaux, laitages sucrés, biscuits, sodas, plats industriels…
– Comprendre pourquoi vous mangez ainsi, en reprenant les thématiques évoquées plus haut : est-ce par habitude personnelle ou familiale, par goût de la saveur sucrée, pour compenser du stress, vous réconforter quand ça ne va pas, …
– Changer : une fois que vous avez constaté la place du sucre et compris pourquoi elle est ainsi, on peut agir sur les bons leviers : être davantage consciente de ce que vous mangez, trouver d’autres moyens de faire face au stress, apprendre à accueillir vos émotions, ne pas culpabiliser de chercher du réconfort, diminuer votre consommation de produits industriels, acheter des produits un peu moins sucrés, varier les desserts, devenir plus exigeante, apprendre à déguster, …
– Consolider : une fois qu’on a changé ses habitudes, on vérifie peu à peu qu’elles sont bien installées et adaptées à différents contextes : vacances, sorties, moments de stress, environnements variés…
Il n’y a pas de réponse unique, tout dépend de la place et du rôle du sucre pour chaque personne. Et je suis plutôt contre les excès : ni trop de sucre ni pas du tout, et pour la voie du milieu .
Mangeons de tout, laissons une place aux douceurs, et si elles occupent trop de place, il est possible de changer cela.
SI VOUS VOUS SENTEZ EN DIFFICULTE FACE AU SUCRE :
1. Vous pouvez venir me voir en consultation pour travailler sur votre relation à l’alimentation et au sucré en particulier, pour la changer durablement
2. Je vous propose une offre spécifique pour entamer un changement concret,
DEUX ATELIERS « JE FAIS LA PAIX AVEC LE SUCRE »
Parcours en deux temps, deux séances d’1h30 les dimanches 23 mars et 6 avril de 10h00 à 11h30
Inscrivez-vous vite, places très limitées
Quelle est ma relation au sucré ? Comment s’est-elle constituée ? Comment me perturbe-t-elle ? Est-ce que je pense être addict ? Quels leviers actionner pour changer ma consommation de sucre et mon rapport à celui-ci ? Comment se détacher des injonctions multiples et sortir de la culpabilité ? Comment redécouvrir mes préférences ?
Chacun des deux ateliers dure 1h30 et sera composé d’une alternance d’échanges et d’exercices concrets. Le principe du parcours en deux temps est de vous permettre de prendre du recul sur votre comportement, d’expérimenter avec les outils fournis, et de continuer à avancer sur cette base lors du deuxième atelier.
Lors de ces ateliers, vous pourrez :
- Comprendre comment s‘est construite votre relation au sucre,
- Cerner ce qui contribue à la dégrader
- Identifier les leviers de changement
- Apprendre à redonner une place au sucré dans votre alimentation qui soit la plus juste pour vous
Prix des deux ateliers + document récapitulatif : 60 euros
Après votre inscription, vous recevrez une confirmation par mail et le lien de connexion Zoom pour le premier atelier.
Très intéressant et éclairant, comme toujours. Et très fouillé.
Tout comme vous, chère Ariane, je pense avoir une relation assez apaisée avec cet élément. Et je me sais chanceuse tant j'en vois les "ravages" dans ce monde.
Surtout, n'oublions pas de réhabiliter le gras - dans la voie du milieu!
Merci Ariane pour cette analyse étayée et pleine de bon sens. J'ajouterais à la comparaison drogue/cocaïne que si c'était comparable les gens arrêteraient la cocaïne et mangeraient du sucre, ça coûte beaucoup moins cher et le risque vital est beaucoup moins important à court terme.