Avez-vous pris des vacances ? Furent-elles bonnes ? Je vous le souhaite bien sûr. Mais c'est quoi en fait, de bonnes vacances ? Peut-être regardez-vous parfois avec envie des images de plages de sable blanc et mer turquoise, d’expéditions en terre inconnue, de grandes tablées joyeuses. Est-ce ce dont, vous, vous rêvez ? De bonnes vacances, c'est très personnel et plusieurs témoignages ainsi que ma propre expérience m'y ont fait réfléchir. Et tout cela peut bien sûr interagir avec la façon de manger.
Pour ma part, comme c’est le cas depuis plusieurs années, j’ai pris deux semaines 1/2 de vacances chez moi à Paris. Le mois d’août est très calme en termes d’activité, cela me permet de faire une pause mais on ne part pas trop en général à ce moment-là car on privilégie des périodes moins chargées. Ces vacances furent un plaisant mix de détente, de tranquillité et de liberté : pas de pression, pas d’emploi du temps organisé, vivre à mon rythme et improviser au jour le jour : lecture, balades, expositions, café en terrasse, déjeuner avec Monsieur ou avec une amie, … Mais j’aspire aussi à bouger, que ce soit retrouver la mer ou juste partir hors de Paris, découvrir un lieu agréable où flâner à deux.
La satisfaction vient évidemment de l’adéquation avec vos attentes. Si on attend les vacances d’été toute l’année, qu’on en a rêvé depuis longtemps, qu’on imagine qu’elles vont rattraper toutes les frustrations de l’année, qu’on y investit beaucoup d’économies, il existe un risque sérieux que la réalité ne soit pas à la hauteur…
Etes-vous consciente de ce que vous en attendez vraiment ? J’avais lancé un petit sondage sur Instagram (non représentatif bien sûr) : c’est le repos et la détente qui sont arrivés en tête. Ce sondage ne pouvait rendre compte de la complexité du sujet. Finalement, j’ai répertorié dix dimensions qu’on peut rechercher dans des vacances d’été et qui sont plus ou moins essentielles pour vous ou moi.
Se reposer et se détendre
Dormir suffisamment, oublier le réveil, être dans un contexte plus reposant, moins de bruit, du calme, moins d’urgences, moins de contraintes. Vous détendre, évacuer le stress parce que vous avez moins à courir, vous n’avez plus à gérer un emploi du temps minuté, à vous mettre la pression pour tenir vos délais au boulot. Je fais une petite distinction entre se reposer et se détendre : en vacances, vous pouvez bien dormir, être ainsi moins fatiguée mais conserver un haut niveau de stress parce qu’il y a toujours plein de trucs à gérer : les enfants, les repas, les visites culturelles, les activités, les transports, l’impact de la météo, les envies des uns et des autres. Selon le contexte, la détente sera plus ou moins facile. Parmi les personnes que j’accompagne, certaines mangent en excès essentiellement pour calmer leur stress professionnel et retrouvent alors une alimentation plus sereine en vacances.
Déconnecter vraiment du travail
Les vacances, cela signifie en général ne pas travailler, s’échapper temporairement des contraintes du boulot. Mais vous le constatez sans doute, les frontières sont devenues plus floues entre travail et temps libre. De plus, notre cerveau ne voit pas toujours les choses de façon aussi binaire. Il y a les contraintes qu’on se fixe (regarder ses mails professionnels, gérer un dossier qui ne peut pas attendre…) et il y a toutes les pensées liées au boulot qui peuvent surgir, qu’on soit salariée ou indépendante. Couper réellement nécessite probablement une durée suffisante, des activités prenantes et un certain éloignement. J’ai aimé suivre sur Instagram le périple grec et les confidences d’Anne, qui se réjouissait d’avoir vraiment réussi à déconnecter de ses préoccupations d’entrepreneuse.
S’échapper du quotidien et “se lâcher”
Ce besoin est bien sûr d’autant plus important que le quotidien est pénible. Si vous vivez dans un lieu contraint, si vous avez un travail pénible ou que vous appréciez peu, si vous devez supporter beaucoup de charges personnelles et/ou familiales, il est ô combien normal d’avoir envie de vous en échapper. Ce qui n’est pas malheureusement pas possible pour tout le monde.
En vacances, on peut avoir envie de “se lâcher”, ne plus réfléchir, ne penser à rien, boire beaucoup parfois, se coucher tard : oublier toutes les “règles” qui régissent les autres mois. Il y a aussi le contrôle alimentaire. Si vous “faites attention” toute l’année et que vous avez installé une sorte de restriction, il est possible que vous envoyiez tout balader en vacances, en vous disant “je veux profiter à fond :”, “on n’a qu’une vie”, “je ne peux pas rater ça”. Plus votre alimentation est contrainte au quotidien, plus vous aurez envie de vous lâcher. Je vois régulièrement des patientes qui maîtrisaient leur régime restrictif assez tranquillement et badaboum, les vacances d’été arrivent et tout se dérègle. Et si on est un peu dans le “tout ou rien”, ça continue au-delà des vacances.
Se sentir libre, sans contraintes
Cela me parait être un besoin essentiel du temps de pause. La plupart des personnes ont une vie remplie de contraintes personnelles, familiales, professionnelles. Et aspirent à s’en échapper le temps des vacances comme je l’écrivais plus haut. Pouvoir décider librement de votre journée, faire ce dont vous avez envie sans totalement répondre d’abord aux envies des autres. Mais ce besoin n’est pas si simple à combler. Surtout quand on est une femme. On est bien au courant désormais du concept de “charge mentale” des femmes. Et, malheureusement (d’ailleurs, ma perception vient d’être confirmée par une enquête), la charge mentale ne prend pas de vacances ! Les femmes continuent très majoritairement à gérer non seulement la préparation des vacances en amont mais aussi beaucoup de logistique sur place. Exemple : la gestion des repas. Même si les repas sont souvent simplifiés en vacances (et l’été permet des assemblages simples, des salades composées), il reste nécessaire de faire des courses, décider quoi manger, le préparer, convaincre de se faire aider. Plusieurs patientes me disaient avant leur départ avec un soupir de soulagement : “cette année, ouf, on va à l’hôtel, je n’aurai pas à cuisiner !”, “on part dans un club tout compris, je vais pouvoir enfin me reposer !”. Ce qui n’est pas accessible financièrement à tout le monde. Quelques-unes aspireraient à la vraie liberté de partir seule. Mais combien se l’autorisent quand elles ont une famille ? Ou rester seule chez soi et envoyer le reste de la famille ailleurs ?!
Vivre à son rythme, avoir du temps pour soi
C’est pour moi absolument essentiel de pouvoir vivre à mon rythme. J’y parviens déjà en bonne partie dans mon quotidien même si bien sûr, les consultations cadrent mes journées. En vacances à Paris, je peux vraiment passer mes journées comme je l’entends. Ailleurs, on arrive en général à s’accorder à deux et à trouver un juste milieu entre nos attentes respectives.
Partir en vacances vous permet-il de vivre largement à votre rythme ? C’est bien sûr plus compliqué si vous avez des enfants. Arrivez-vous à ralentir si vous en ressentez le besoin, à préserver des moments pour vous ? A respecter votre besoin de sommeil ? A bouger ou paresser quand vous en ressentez l’envie ? Je me souviens d’une patiente qui partait avec sa mère et sa fille et se sentait obligée de mener toutes les activités à trois. Ce qui entraînait tensions et frustration qui risquaient notamment de déclencher des compensations alimentaires. En vacances comme le reste du temps, ne pas être en phase avec ses besoins profonds et accumuler des frustrations mène certaines personnes à se réfugier dans le seul plaisir qu’elles envisagent disponible à ce moment-là, le plaisir alimentaire.
Découvrir de nouveaux lieux
Se dépayser, partir de chez soi, découvrir d’autres contrées, d’autres pays est-il nécessaire à votre bien-être, à votre définition de vacances satisfaisantes ? J’avais écrit un billlet de blog sur la question du voyage Pour ma part, je fais une différence entre bouger et voyager loin. Je sens que j’ai besoin, de temps en temps, de partir de chez moi, d’aller ailleurs mais il n’est pas nécessaire que ce soit forcément loin. Sauf des lieux particuliers comme l’Italie chère à mon coeur, et, peut-être un jour à nouveau, le Japon… L’envie que j’ai eue autrefois de découvrir, par exemple, le Vietnam, l’Argentine et la Patagonie, l’Egypte ou autre a disparu. Je n’ai pourtant pas tant voyagé que ça. Est-ce une question d’âge, d’époque, de tempérament ? Ressentez-vous ce besoin de partir loin ? Ce besoin de dépaysement, de “changer d’air” est sans doute nécessaire à beaucoup de personnes (même si tout le monde ne peut pas se l’offrir) et participe à l’oubli du quotidien. Plusieurs personnes m’ont confié que, par manque de temps pour préparer un voyage ou par manque d’argent, elles allaient passer la majeure partie de leurs vacances dans une maison de famille, chez leurs parents, … sans que ce soit leur vrai désir (même si cela peut répondre au besoin de repos…). Cela peut parfois être un choix. J’ai vu passer sur Instagram (via les questionnement toujours fort pertinents de la journaliste Renée Greusard) le récit d’une mère qui avait décidé de ne pas partir et passer des vacances avec sa petite fille chez elles en ayant toutes sortes d’activités récréatives à la maison ou dans leur ville et que cela avait été d’excellentes vacances. Mon amie Marine me parlait récemment d’une entrepreneuse vivant et travaillant dans un coin plutôt naturel et isolé de France, heureuse de sa situation et ne ressentant aucun besoin de partir en vacances.
S’ouvrir à d’autres cultures
La découverte de paysages et celle d’autres cultures peut être conjointe ou dissociée. On peut faire de merveilleuses découvertes près de chez soi, en restant dans sa culture. Et aussi, voyager, certes pour découvrir d’autres contrées, sortir de son quotidien, mais surtout pour partir à la découverte de personnes qui vivent différemment et être curieuse et s’enrichir de leur mode de vie, leur culture, leurs rituels, leurs coutumes alimentaires… Je découvre toujours avec plaisir et intérêt les périples en famille de la passionnée de voyages Parisianavores : quelles que soient leurs destinations, le voyage est toujours propice à l’ouverture, la curiosité, les rencontres, les échanges, les moments passés avec des habitant.e.s du lieu. Et puis, le voyage peut être lui-même un moment riche en soi. Si on voyage en train, en bus, en vélo, en bateau, … on peut faire de multiples rencontres dans le temps du voyage avant même d’arriver à destination.
Passer du temps avec des proches
Passer du temps avec vos proches, ce peut-être avoir davantage de temps avec votre famille directe : parce que vous ne travaillez pas et que vos enfants sont en vacances, vous avez un temps beaucoup plus long ensemble, à parler, vous amuser, jouer, avoir des activités communes que vous n’avez pas le reste de l’année. Mais adorer passer du temps avec vos enfants, si vous en avez, n’empêche pas d’avoir envie, légitimement, de disposer aussi de temps pour vous.
Ce peut être aussi revoir des membres de votre famille que vous voyez plus occasionnellement (parents, frères et soeurs, cousin.e.s, …) : si vous êtes honnête, est-ce vraiment ce dont vous avez envie ou est-ce plutôt un devoir que vous vous imposez ou une facilité logistique ou budgétaire ? Lise alias Tendances de mode a raconté sur Instagram qu’elle n’aimait pas les vacances. Je dirais plutôt qu’elle n’avait pas aimé CES vacances : elles les a passées en famille élargie et, disait-elle, autant elle apprécie de longues conversations téléphoniques avec ses proches, autant elle a souffert d’un temps éclaté où on ne peut jamais se poser vraiment pour échanger tranquillement et des contraintes inhérentes à un groupe important. Elle aurait préféré rester chez elle (elle habite au bord de la mer) et passer autant de temps qu’elle voulait à surfer ou sculpter.
Des patientes me donnent souvent des exemples de vacances en famille compliquées au niveau alimentaire. Soit parce que leur mère veut leur faire plaisir avec des plats multiples et manifester son amour par la cuisine ; soit parce qu’il y a des tensions non résolues et que l’on ressent le besoin de se calmer, s’apaiser en mangeant ; soit parce que se retrouver dans la demeure d’enfance replonge dans les habitudes d’alors, de grignotage sucré par exemple, …
Il peut s’agir aussi de retrouver des ami.e.s pour quelques jours. C’est en général des moments de plaisir et de convivialité mais il peut parfois exister des difficultés alimentaires d’un autre type : devoir se caler sur le rythme des autres, prendre un petit déjeuner copieux alors qu’on n’en ressent pas le besoin, ne pas pouvoir vraiment manger ce dont on a envie, boire beaucoup et ne pas conscientiser ce qu’on mange, …
Se consacrer à des activités qu’on aime
Les vacances sont propices à consacrer du temps libéré à des activités que vous aimez, quelles qu’elles soient. Des activités auxquelles vous ne pouvez pas consacrer de temps, ou pas assez, dans votre quotidien. Lire, flâner, faire des randonnées, de la photo, du sport, vous baigner, reprendre le yoga, danser, visiter des lieux nouveaux, jouer à des jeux de société, faire la fête, …
Se rapprocher de la nature
C’est sans doute plutôt un besoin de citadine. S’immerger dans la nature, vivre en pleine campagne, arpenter des forêts, plonger dans la mer, dans une rivière, dans un lac, randonner en montagne, observer les plantes, les arbres, les animaux : ressentez-vous un besoin de nature ? Parvenez-vous à le combler en vacances ?
En conclusion
Parmi ces différentes dimensions des vacances, il est probable que vous ayez envie d’un mix de plusieurs aspects. Y voyez-vous clair dans vos attentes ? Elles n’ont pas besoin de se conformer aux standards. Ce qui compte, c’est ce qui vous convient, ce dont vous avez envie.
Et les vacances, finalement, est-ce une rupture dans le cours de votre vie, ou plutôt un prolongement, un enrichissement ? Qu’est-ce qui vous fait réellement du bien en vacances ? Le rythme, la découverte, le partage, la nature, … ? Comment en instiller de petites doses au retour dans votre quotidien ? Mon amie Marine, encore elle, relevait par exemple qu’elle pourrait choisir de dédier un moment à regarder le coucher du soleil puisqu’elle le fait avec bonheur en vacances.
Changer ses routines, installer de nouveaux moments. Prendre un temps de pause au retour pour réfléchir de façon lucide à ce qu’on veut transposer, ce qu’on veut simplifier, enrichir… Bref, comme pour beaucoup d’autres domaines, l’important me paraît être de :
s’écouter
se connaître
identifier ce qu’on veut
affirmer ses besoins
Je vous souhaite d’y parvenir (sans vous mettre de pression !).
Pépites
La mort d’Hélène Carrère d’Encausse (restée visiblement merveilleusement active jusqu’à ses derniers jours) m’a fait apercevoir sa participation à la Grande Librairie en 2021 et m’a donné envie de m’intéresser à son dernier livre, Alexandra Kollontaï, “première féministe russe”, dont j’ai aimé découvrir la vie incroyable. Vous la connaissiez ?
L’interview de Mory Sacko dans le podcast Chefs : je connais un peu le parcours de ce chef sympathique (sans avoir goûté sa cuisine) et j’ai apprécié ce récit qui montre l’énorme quantité de travail pour arriver là où il est (même si bien sût l’époque accélère probablement les choses).
France Culture globalement : il y a tellement d’émissions, de séries, de podcasts que j’apprécie que c’est difficile de sélectionner. A vous de faire votre choix si cela vous dit parmi A Voix Nue, les Grandes Traversées, les Masterclass, la Série Documentaire, la Série Musicale et bien d’autres. Vive la radio de service public !
Charlène Descollonges, jeune ingénieure hydrologue, commence à émerger dans les médias et transmet avec une grande clarté des messages essentiels (généralement pas très joyeux) sur l’eau. Je l’ai découverte via un long entretien dans Télérama, elle a écrit un livre et est présente dans différentes émissions, par exemple sur Blast, podcasts…
Le site Univers Ciné et la VOD : j’ai été une grande cinéphile adolescente et jeune adulte, allant beaucoup au cinéma après avoir dévoré les films de fin de soirée des Cinéma de Minuit et Ciné-Club. Puis, ce goût s’est étiolé au fil du temps, je ne vais quasiment plus au cinéma, je préfère lire, et, quand j’ai parfois envie de voir un film, je laisse traîner et finis par le rater. Ces dernières semaines, je me suis quand même dit que j’avais vraiment envie de voir certains films disparus des salles et j’en ai acheté quelques-uns sur le site Univers Ciné (c’est 4 ou 5 euros par film). Bien sûr, mon petit écran d’ordi ne remplace en aucun cas la salle de cinéma mais j’ai beaucoup apprécié de regarder notamment La Nuit du 12 de Dominik Moll ou Saint-Omer d’Alice Diop.
Merci Ariane de cet article qui est un très bon support de réflexion pour mieux se connaître et merci pour les belles pépites !
Dans mon ancien métier (j'étais professeur des écoles), les vacances, c'était hyper important : quelque part, elles structuraient mon année et elles me permettaient de me ressourcer après chaque de période de travail. Je n'avais pas besoin de partir, profiter de la maison, du jardin me suffisait amplement. Maintenant, je commence à les considérer autrement. J'espère ne plus en avoir autant besoin, mais, comme je suis davantage chez moi, je commence à avoir la bougeotte !