Avez-vous changé quelques chose dans votre vie récemment ? Prenez un instant pour réfléchir. Manger moins de viande, vous mettre au vélo, changer de boulot, quitter quelqu’un, déménager, avoir une nouvelle coupe de cheveux… ? Ou peut-être rien, car votre vie vous va à merveille. Ou vous avez envie mais n’y parvenez pas. Pas de stress, pas de culpabilité : est-ce vraiment si simple de changer ?
J’entends une petite musique laissant planer l’idée que, collectivement, les Français seraient incapables de changer / rétifs au changement / accrochés à leur mode de vie / des « Gaulois réfractaires ». Exemple, un épisode récent du (par ailleurs excellent) podcast Sur le grill d’Ecotable m’a un peu agacée : l’animatrice, Fanny Giansetto, se demandait si les gens se décideraient à changer leur alimentation dans un sens plus durable ou s’il faudrait recourir à une “police verte”. Je ne suis pas d’accord ! Même si ce nest pas représentatif, toutes les personnes que je vois ou presque, très diverses, ont diminué leur consommation de viande rouge ces dernières années. Par conviction, réalisme environnemental, nécessité financière, souci de qualité…Vous et moi sommes capables et parfois, voire souvent, volontaires, moteurs pour changer. Notre vie est faite de changements, voulus ou subis.
Pourquoi je parle de ça ?
Le changement est au cœur de mon activité. J’accompagne les personnes dans un changement durable de leur relation à l’alimentation, de leurs habitudes alimentaires. Ce qui m’a amenée à réfléchir à ce qui favorise ou bloque la possibilité du changement. Je suis persuadée que toute personne a une capacité à changer. Certes, pas toujours aussi facilement ou rapidement qu’elle le souhaiterait.
Je ne prétends pas fournir de recette magique. Je livre ici quelques réflexions issues de mes expériences professionnelles mais aussi personnelles. On change, me semble-t-il, de deux façons : soit par envie, désir, curiosité, volonté d’abandonner une situation pénible ; soit par contrainte forte, parce qu’on n’a pas le choix : exemple entendu récemment : lors de la pénurie d’essence, un homme habitant à distance raisonnable de son boulot se met au vélo… et en découvre les bienfaits. Je vais plutôt aborder le premier aspect, déjà vaste, du changement souhaité.
Initier une démarche de changement
Pourquoi changer ?
Quel que soit le type de changement, qu’il s’agisse de déménager, commencer ou cesser une relation, changer de travail ou de métier, … il me semble primordial d’abord de clarifier pourquoi vous voulez changer. Cela part probablement d’une insatisfaction plus ou moins forte de la situation actuelle. Quelles émotions pénibles, quelle souffrance votre vie actuelle génère-t-elle ? Qu’est-ce qui vous stresse, vous perturbe, vous angoisse, vous frustre, vous met en colère dans votre façon de vivre ? Est-ce difficilé à supporter ? Suffisamment pour changer ? On sait qu’il ne suffit pas que la situation soit difficilement supportable pour qu’on décide de changer, qu’il s’agisse par exemple d’une ambiance de boulot horrible ou d’une relation de couple dégradée. Il y a la peur de changer, la peur de l’inconnu, la peur de perdre ses repères, la peur de l’avalanche qu’un changement pourrait déclencher, la peur de ne pas y arriver (sans compter de réels freins matériels) : beaucoup de personnes restent dans une situation pénible. Ne culpabilisez surtout pas si cela est votre cas, qu’il s’agisse d’une situation personnelle ou professionnelle. Le moment n’est peut-être pas arrivé. Mais ne vous résignez pas, vous avez toujours une certaine liberté d’introduire des changements. On peut faire des petits pas sans tout bazarder…
Et pourquoi changer son alimentation, sa silhouette ?
Mon métier est d’aider des personnes à modifier leur comportement alimentaire. Je ne donne pas de régime, je sais que cela ne fonctionne pas dans la durée, je travaille justement sur un changement durable. Dans ce cadre, il me parait essentiel d’approfondir avec chaque personne sa motivation. Par exemple, s’il y a une demande de mincir. Pourquoi ? Qu’allez-vous gagner à perdre du poids ? Est-ce qu’il s’agit de se conformer à des standards de silhouette de la société ? De faire plaisir à un proche ? De s’habiller plus facilement ? Y a-t-il des motivations plus profondes ou plus intimes ? Se libérer la tête des obsessions alimentaires ? Sortir des craquages ou compulsions ? Réapprendre à manger de tout avec sérénité sans culpabiliser ? Retrouver un confort physique qui donnera de nouvelles possibilités ? Faire la paix avec son corps en acceptant son imperfection ? etc.
Quoi changer ?
Pour clarifier ce que vous voulez changer (si ça n’est pas déjà limpide !), vous pouvez partir de ce qui compte vraiment pour vous. Qu’est-ce qui est réellement important dans votre relation aux autres, votre travail, votre mode de vie, votre santé, vos convictions ? Partant de là, où sont les décalages entre votre façon de vivre et vos valeurs ? Par exemple, les relations, familiales ou amicales, sont essentielles à votre équilibre mais vous vous noyez dans le travail sans garder un instant libre. Ou vous sortez tous les soirs tard et buvez beaucoup alors que prendre soin de votre santé est fondamental pour vous. Quels changements pourraient mettre davantage de cohérence entre vos besoins fondamentaux et votre vie ? Sans chercher la perfection ! Et en ayant conscience que nous ne maîtrisons pas tout, notre environnement nous impose certaines données.
Se poser
Pour identifier ce que vous ressentez, comprendre ce qui ne va pas, identifier ce que vous voulez abandonner ou développer, il y a une étape incontournable : prendre du recul ! Certaines personnes évoquent parfois le sentiment d’être comme un hamster dans sa roue, avec l’impossibilité d’arrêter le mouvement ou d’en sortir. C’est notamment le cas de femmes qui travaillent beaucoup et ont une vie de famille, notamment quand leurs enfants sont petits : l’emploi du temps est si contraint, les tâches à effectuer et la charge mentale si envahissantes que cela parait impossible de dégager un moment pour se poser et se recentrer sur soi. Le fait de venir me voir en consultation en est déjà un ! Et, souvent, l’alimentation n’est pas au cœur des échanges (tant de femmes qui me consultent SAVENT déjà très bien comment bien manger) car il est prioritaire de travailler sur le contexte qui perturbe l’alimentation et identifier les leviers de changement (par exemple, assouplir son perfectionnisme (même Marie Kondo y a renoncé !), abandonner ou déléguer certaines tâches, mettre des limites au travail, etc.). Vous n’êtes pas obligée de vous faire accompagner. Mais prendre un TEMPS POUR VOUS, pour vous connecter à ce que vous ressentez, est indispensable. C’est la première étape. Disposer d’un minimum de temps seule. Cela peut passer par juste vous asseoir et ne rien faire et laisser voguer vos pensées, ou alors écrire sans contrainte, méditer, marcher sans but, parler à quelqu’un qui a une écoute non jugeante.
Faire confiance à son intuition
Se poser, se tourner vers ce qui se passe à l’intérieur de soi, c’est se donner la possibilité de se connecter à son intuition. Ne pas rester seulement au niveau mental et rationnel. J’ai moi-même observé que les grandes décisions que j’ai prises dans ma vie sont toujours parties de mon intuition, de quelque chose qui est de l’ordre du ressenti et non de la pensée raisonnée. Par exemple, refuser au début de ma carrière un job de contrôle de gestion chez Air France (censé m’amener vers le boulot opérationnel que je visais) car j’ai senti que ce serait 3 ans insupportables ; quitter l’appartement montmartrois où je pensais rester au moins jusqu’à la retraite car j’ai eu la conviction qu’il allait me ruiner vu l’état de l’immeuble ; choisir ce métier de diététicienne, …
Et quoi changer dans son alimentation, sa silhouette ?
Quand on décide de changer son alimentation, on se fixe parfois des objectifs exagérés, irréalistes, voire injustifiés. Beaucoup de mes patientes croient que chaque repas doit être équilibré et culpabilisent de ne pas y arriver, sont persuadées que manger des féculents le soir fait grossir; cherchent une alimentation parfaite qui n’existe pas, croient qu’il faut se priver pour perdre du poids, etc. Quand une personne me consulte, elle a parfois une idée de ce qu’elle veut changer et, si besoin, on le réajuste ensemble, je complète ses informations. Il arrive qu’une personne ait décidé d’arrêter ce qu’elle appelle les 4P (pain, pâtes, pizza, pâtisserie) pour perdre du poids : je vais alors tenter de lui expliquer que ce n’est pas nécessaire, voire contre-performant car elle finira par craquer et surtout, je le lui fais expérimenter. Ou une personne n’arrive pas à avoir une alimentation variée même si elle en a envie : on prend le temps de comprendre ce qui bloque et on travaille notamment sur l’organisation, l’anticipation, les recettes faciles, …
Il importe aussi de cerner sur quoi on peut agir. Imaginez une personne insatisfaite de sa silhouette, critiquant sans cesse ses hanches et ses fesses. Certes, elle a pris quelques kilos à cet endroit et elle peut souhaiter les perdre. Mais elle a aussi un travail d’acceptation de sa morphologie naturelle à mener, car celle-ci est une part inhérente de sa personne.
Comment changer ?
Changer ne signifie pas nécessairement tout bouleverser du jour au lendemain. Une fois que vous identifiez ce que vous voulez changer dans votre vie, vous pouvez définir le chemin pour y parvenir. Nous sommes toutes différentes, avec notre propre rythme et nos contraintes. Vous pouvez avancer étape par étape, sans vous précipiter. En profitant du chemin et pas seulement en vous focalisant sur un but à atteindre. Prendre confiance en vous en observant que vous faitez des pas dans la direction envisagée, peu importe si ce sont de tout petits pas.
Je le répète, vous êtes unique. Vous avez votre propre tempérament, votre mode de fonctionnement. Par exemple, arrivez-vous facilement à vous projeter vers un bien-être futur ? Avez-vous besoin de repères concrets, de balises régulières indiquant que vous avancez ?
Et comment changer son alimentation, sa silhouette ?
Prenons l’exemple de devenir presque végétarienne, alors que vous mangez régulièrement viande et poisson. Une fois que vous avez clarifié pourquoi vous voulez le faire, vous n’êtes pas obligée d’arrêter toute consommation animale du jour au lendemain. Vous pouvez commencer déjà à introduire davantage de repas végétariens (en trouvant des livres, des recettes, en vous informant sur les sources de protéines alternatives) puis faire progressivement de plus en plus de repas végétariens chez vous. Puis informer votre famille, vos proches pour que ce soit pris en compte. D’ailleurs, peut-être construire votre argumentaire pour répondre aux objections. Puis repérer des restaurants proposant une offre végétarienne. etc. En identifiant au fil de l’eau le chemin parcouru, les difficultés personnelles ou dans votre environnement, les bénéfices, …
Bref, changer est un processus. Et si vous en avez besoin, vous y arriverez, je vous fais confiance.
Quelques coups de cœur
J’ai aimé
Les rencontres avec mes copines
J’ai déjeuné dernièrement avec deux amies de longue date, pas vues depuis un long moment (Covid & co) et j’ai eu la surprise de découvrir qu’elles étaient toutes les deux parties vivre à mi-temps près de la mer (mon fantasme inabouti…) ! Ma copine et collègue Géraldine, rencontrée dès les épreuves du BTS diététique il y a 15 ans et revue régulièrement en covision, est en train de changer de vie et s’est installée à mi-temps à Biarritz. Mon autre copine, Frédérique (que je connais depuis la lointaine époque Air France) vit désormais à 2/3 de temps à Auray en Bretagne et travaille 2-3 jours par semaine à Paris. Outre le plaisir de les revoir, c’était passionnant de les entendre raconter le chemin vers ces changements.
J’ai écouté
L’émission Grand Bien Vous Fasse sur le sucre et les édulcorants
J’ai apprécié que les intervenants ne diabolisent pas le sucre et alertent sur les problèmes posés par les édulcorants. Une médecin reconnaissait la difficulté à faire abandonner une consommation très importante de sodas édulcorés à des patientes et je le constate parfois aussi. Avoir le goût du sucré sans les calories est une motivation fréquente mais, sans vouloir faire peur, il est clair qu’une dose élevée dans la durée n’est sans doute pas optimale pour la santé.
L’ultratrailer Mathieu Blanchard dans le podcast GDIY
(podcast que j’ai redécouvert récemment, moins purement entrepreneurial que je ne pensais…). Aussi pointu soit-il dans sa préparation physique (il a eu une progression extraordinaire en quelques années), Mathieu Blanchard parle finalement de l’importance de mon ami SAM (Sommeil Alimentation Mouvement)*. J’ai trouvé son questionnement sur la possibilité de garder la passion quand celle-ci devient un métier, avec la pression à la performance que cela entraîne, lucide et complexe.
*j’ai découvert à l’occasion d’une recherche google pour ce lien que cet acronyme inventé sur mon blog en 2016 a “inspiré” plusieurs personnes ou organismes. Hasard ?
J’ai suivi
Michelle Perrot
Michelle Perrot, historienne féministe que j’apprécie, est très présente dans les médias ces dernières semaines, à l’occasion de la sortie de son livre Le temps des féminismes. J’ai beaucoup aimé son entretien dans Libération . Elle a aussi participé notamment à Cpolitique, Le cours de l’histoire, Par les temps qui courent : ces deux émissions sont complémentaires car prenant des angles différents. Je l’avais vue il y a quelques semaines lors d’une table ronde au Musée Carnavalet. Outre la pertinence de son analyse et son recul historique, il est évidemment fascinant de voir sa vivacité de réflexion et de répartie à l’âge de 94 ans… Ce que j’observe aussi chez mon père, bientôt 89 ans.
Je prévois de relancer prochainement des ateliers en ligne. Si des thèmes vous intéressent en priorité (organisation des repas, alimentation émotionnelle, mincir sans régime, …), vous pouvez me contacter.
Retrouvez mes activités sur arianegrumbach.com
Je commence la journée par vous lire et vos mots sont apaisants et inspirants. Dans le changement entrepris dans ma vie ces derniers mois je comprends enfin les termes de bienveillance envers soi et de modération car comme vous le dites si bien le changement est progressif. Il est intéressant de se poser en vous lisant et de constater le chemin parcouru et celui qui est encore à venir mais que j'aborde avec sérénité ...je n'aurais pas pensé il y a quelques années encore me dire que j'allais entreprendre autant de changement (carrière , alimentation ) avec autant de calme mais comme vous le dites si bien lorsqu'on écoute son intuition , son cœur et que l'on est tout simplement à l'écoute de soi on avance tranquillement mais surement vers un nouveau bonheur qui nous attend quelque part. Merci à vous pour cette belle réflexion de fin de semaine
Salut Ariane,
Très chouette newsletter ! Et effectivement, je suis un peu perplexe, je suis aussi entourée de gens qui changent... Peut-être vivons-nous dans un microcosme du changement ?! 😂
Mais peut-être aussi que le changement n'est pas forcément un truc radical et hyper visible, mais quelque chose de plus progressif et de plus intérieur. J'aime bien quand tu insistes sur le fait qu'on soit tous(tes) différent(e)s, c'est rassurant et bienveillant.
Hâte de lire tes prochaines missives :)