Je sais combien sont nombreuses (majoritaires même) les femmes qui vivent en lutte avec leur corps, le traitent sévèrement, lui assènent des mots durs, lui en veulent de ne pas être comme elles le souhaiteraient. Je le vois avec mes patientes, mais aussi dans des lectures, des publications sur les réseaux, des conversations, …
Nous avons toutes un regard critique sur notre corps, même celles qui semblent approcher la perfection standard trouvent toujours à se critiquer. Je n’ai pas toujours fait exception. Je me souviens, à l’adolescence, avoir eu envie de jambes plus longues, de cuisses plus fines, de seins moins importants… Bien sûr, j’aurais pu faire des régimes ou une quantité de musculation, me faire réduire les seins : la paresse, le plaisir de manger, l’argent nécessaire pour une opération…, tout cela m’a éloignée des bouleversements corporels. Au fil des années, je me suis faite à l’idée que je pouvais bien vivre avec ce corps qui est vraiment plutôt en bon état de fonctionnement pour l’instant.
Ce n’est pas en quelques paragraphes ici que je vais régler ce problème si profond. Mais, comme je l’ai tenté il y a quelques années avec BCBT le Podcast, je souhaiterais favoriser peut-être un début de changement de regard chez certaines d’entre vous. Il ne s’agit pas de basculer dans un amour inconditionnel de votre silhouette mais de vivre un peu plus en paix avec votre enveloppe physique.
D’abord, je voudrais dire une chose basique, vous N’AVEZ PAS un corps, vous ETES un corps ! Il n’y a pas une frontière, une séparation, entre une part de nous mentale et une autre physique, nous somme un TOUT !
Ensuite, je voudrais tracer quelques perspectives pour tenter d’accorder un peu moins de place au trop présent REGARD sur votre corps. Pour être davantage dans le RESSENTI intérieur.
NB : j’ai bien conscience que, si on a vécu des traumatismes, des violences, on peut être totalement coupée de ce ressenti corporel, ou chercher à l’anesthésier, et ce qui va suivre ne semblera alors pas approprié.
Revenir aux sensations
Quand j’évoque avec des patientes le fait de se reconnecter à des sensations alimentaires, ce peut être une démarche évidente pour certaines, plus compliquée pour d’autres, qui sont peu connectées à ce qui se passe en elles. Qui ont parfois conscience qu’elles sont entièrement dans leur tête. L’écoute de la sensation de faim peut alors être une porte d’entrée vers une reconnexion avec des signaux internes. On peut réapprendre aussi à prêter davantage d’attention à toutes sortes de perceptions : j’ai soif, j’ai sommeil, j’ai mal au ventre ou à telle partie du corps, j’ai froid ou chaud, … Parfois, il apparaît difficile de revenir à des ressentis corporels internes et le travail peut s’orienter d’abord vers d’autres aspects : réapprendre à ressentir des sensations sur la peau, à respirer, à ressentir le mouvement, à danser. Cela peut passer par exemple par un travail avec un psychomotricien (en relisant ça, je pense à Pierre Dalarun, super psychomotricien membre du GROS et je tombe sur cet article qui résonne clairement avec ce que j’écris ici).
Ressentir, c’est aussi ressentir les émotions, observer où elles se situent dans le corps, quelle perception vous en avez, est-ce désagréable, tolérable, chaud, froid, contracté, supportable, habituel ? Peut-être un exercice guidé de “scan corporel”, un outil habituel des démarches d’initiation à la “pleine conscience” peut vous aider dans cette observation (vous en trouverez de nombreux sur internet, de durée plus ou moins longue).
Choisir le confort
Vivre davantage en harmonie dans votre corps, c’est aussi lui assurer un certain confort, par les vêtements, les chaussures ou accessoires que vous choisissez. Pour ma part, cela fait bien longtemps que j’ai décidé de privilégier le confort au détriment de ce qu’on peut considérer comme des attributs classiques de la féminité (porter des talons, mettre des jupes, …). Je choisis mes vêtements pour leur confort et leur praticité adaptés à chaque saison. Cela m’a conduit à choisir quasi-exclusivement des pantalons. Je porte des chaussures confortables, avec peu de talons, sans me soucier d’avoir une silhouette plus élancée. Souvent, c’est un jean, un tee-shirt sous un pull ou une marinière. C’est personnel, d’autres seront le plus confortables en robe. Je crois que le confort, c’est oublier ses vêtements et qu’ils permettent de faire tout ce qu’on a prévu de faire dans une journée sans être gênée. Et sortir des injonctions liées à l’âge et à la silhouette qui voudraient nous dicter ce qu’on peut ou non porter. Pour concilier confort physique et tranquillité mentale.
C’est aussi se vêtir selon les circonstances, notamment la saison. En été en particulier, des personnes n’osent pas montrer certaines parties de leur corps qu’elles n’apprécient pas. Souvent des patientes me disent renoncer à des manches courtes même s’il fait tès chaud pour ne pas montrer leur poids. Là encore, peut-être, même si c’est difficile, peut-on essayer de chercher un ressenti physique confortable même si on n’a pas l’esthétique qu’on souhaiterait.
C’est aussi choisir des vêtements adaptés à la silhouette actuelle. Bien sûr, quand on est dans une phase transitoire où on envisage/on souhaite une perte de poids, il est naturel de ne pas vouloir dépenser des sommes folles dans des vêtements. Mais il est toutefois essentiel dans posséder quelques-uns dans lesquels on peut se sentir bien dès maintenant : que ce soit des robes un peu amples, des pantalons à taille élastique, … Souvent, des personnes m’avouent qu’elles se sentent en permanence serrées dans leurs vêtements car elles se refusent à en acheter à la bonne taille : je leur fais prendre conscience que ça risque d’entretenir une conscience permanente d’un corps inconfortable peu propice à la sérénité.
Choisir le confort, c’est aussi se défaire de cette terrible et stupide injonction “il faut souffrir pour être belle”. Je me souviens ainsi d’une patiente qui avait réalisé qu’elle avait rentré le ventre en permanence pendant des années. Quel soulagement quand elle avait arrêté !
Le confort, c’est aussi le confort digestif, le confort intestinal, le confort du ventre. En apprenant à manger lentement, à s’arrêter quand on n’a plus faim. A s’occuper si besoin de problèmes de ballonnements et de digestion difficile qui ne sont pas une fatalité. Dans mon travail d’accompagnement, je vois des patientes réaliser combien il peut être agréable de ne pas avoir le ventre lourd.
Apprécier l’énergie
En vous recentrant sur vos ressentis corporels, vous pouvez observer votre niveau d’énergie, de tonus, qui peut varier selon les périodes, les jours, les moments de la journée. Et cerner ce qui vous permet d’avoir de l’énergie suffisante, de vous sentir en forme, d’avoir les ressources pour mener vos projets. Plusieurs éléments peuvent y contribuer et je vous invite, si besoin, à en faire l’expérience :
Bien dormir, dormir suffisamment au regard de votre besoin de sommeil, c’est un socle fondamental du bien-être, je ne cesse de le répéter. Vous détendre dans la soirée, vous coucher quand vous ressentez des signaux de fatigue, traiter le sujet si votre sommeil est très perturbé, …
Avoir une alimentation variée, riche en végétaux, pas trop lourde, facile à digérer pour que vos repas vous apportent de l’énergie mais ne vous entraînent pas dans une somnolence digestive peu propice à l’efficacité si vous travaillez ;
Intégrer une activité physique, du mouvement, dans votre vie, l’activité qui vous convient sans pression, là aussi pour prendre conscience que cela vous donne davantage d’énergie que cela vous en coûte.
Intégrer le soin
Prendre soin de votre corps, le traiter avec douceur, là encore en étant dans l’observation du ressenti, peut faire partie d’un chemin de réconciliation. Vous mettre de la crème, vous masser ou vous faire masser, pratiquer le hammam ou le sauna, apprécier le plaisir de la sensation de l’eau dans la douche, le bain, la mer…
Prendre soin, c’est aussi faire soigner ce qui a besoin de l’être, aller chez le médecin si vous souffrez de quelque chose qui persiste, sans attendre trop longtemps. Je sais combien cela peut être difficile en particulier si vous êtes grosse, tant les médecins sont grossophobes et se focalisent sur votre poids plutôt que sur la raison de votre visite. J’avais été terrifiée des récits que j’avais recueillis pour un épisode de mon podcast. J’incite à surmonter cette appréhension en se préparant concrètement pour les rendez-vous médicaux afin de ne pas être submergée par les émotions. Il y a par ailleurs une liste de soignants “safe” non grossophobes sur le site de l’association Gras Politique.
Exprimer de la gratitude
Plutôt que de vous juger sur votre enveloppe, plutôt que vous reprocher tout ce que vous n’êtes pas, pourriez-vous prêter attention à tout ce que votre corps et vous êtes capables de réaliser : des balades, des activités intenses ou non, des travaux manuels, des découvertes, de la ténacité ? Et vous remercier régulièrement et dans votre globalité pour ça.
Bref, il s’agirait de mettre en pratique un rééquilibrage vers un peu moins de regard extérieur sur vous-même et un peu plus de ressenti intérieur. Cela vous dit ?
Me lire ou m’écouter ailleurs
J’ai écrit sur le blog
A propos de mincir sans régime, avec cinq exemples de parcours de patientes.
Sur une parenthèse nage-heureuse dans le Sud.
J’ai été interviewée dans deux podcasts où je parle de mon travail sous divers aspects, deux belles conversations :
Le Droit d’être soi, avec Florence, que je connais depuis longtemps avec ses diverses casquettes (juriste au départ, elle doit être une des premières à avoir écrit un livre sur les intolérances alimentaires)
CulNu, le podcast d’une sympathique consoeur, Caroline, dont j’ai fait la connaissance à cette occasion.
Pépites
Dans le grand bain, un documentaire sur le développement des piscines à partir des années 60
Une série de l’émission Entendez-vous l’éco sur les comédies musicales
De chouettes lectures à Sainte-Maxime (voir lien du blog ci-dessus)
Un magnifique festival de Cheffes talentueuses à l’initiative de l’association Ernest pour l’aide alimentaire
Merci Ariane pr cette newsletter aussi intéressante que les précédentes!
J'ai lu l'article du membre du GROS et écouté les 2 podcasts qui vs sont consacrés
Passionnant !
J'ai longtemps existé qu'à travers le regard des autres...Seul l'âge (à partir de 60 ans) m'en a libéré
J'étais très complexée par mon poids et constamment en restriction alimentaire , malgré tout ça ne m'a jamais empêché de me baigner j'aime trop la mer!
Par contre, au grand jamais je n'aurais porté un short! Montrer ma cellulite qu'elle horreur !
J'adore les robes en été, j'habite le sud!
Mais sauf en cas de canicule extrême...jamais de robe sans manche : je ne veux pas montrer mes bras flasques et corpulents... j'y vois a tort une sorte de politesse par rapport aux autres ,
Merci pour vos écrits toujours très enrichissants
J'attends déjà la prochaine newsletter !!
Merci Ariane, pour ce billet très doux et juste 💛